Le secteur des boissons au Royaume-Uni en effervescence
Heineken vient de racheter pour 60 millions de livres (67,5 millions d'euros) de créances irrécouvrables d'une chaîne de pubs britannique détenue par le financier Robert Tchenguiz.
De la petite bière, certes, pour le brasseur néerlandais.
Mais une initiative intelligente qui pourrait augurer de profonds changements dans le secteur des boissons au Royaume-Uni.
Heineken a ainsi racheté un tiers de la dette de premier rang de Globe, le groupe en grande difficulté de M. Tchenguiz.
Cette transaction est basée sur une logique financière :
Si Globe évite la faillite, le groupe néerlandais devrait engranger de coquets bénéfices sur des obligations aujourd'hui décotées.
Mais on peut aussi voir cette opération comme une acquisition qui ne dit pas son nom.
Si Globe finit par sombrer, Heineken pourrait troquer ses obligations contre des actions, et deviendrait alors copropriétaire d'une société qui est l'un de ses principaux clients.
Un événement qui renverserait une tendance amorcée il y a vingt ans dans le secteur des pubs :
En 1989, une décision de justice a limité leur détention par des firmes brassicoles, ce qui, combiné à un crédit bon marché, avait alimenté une titrisation frénétique dans le secteur.
Résultats : des biens surévalués et une rupture dans la chaîne qui reliait les brasseurs aux consommateurs finaux.
Heineken pourrait par conséquent mettre la main sur un patrimoine immobilier à bas coût via une restructuration du groupe Globe.
Certes, on peut débattre de l'ampleur que prendra l'éventuelle reprise de l'immobilier, mais un rebond semble plus que vraisemblable.
La transaction a aussi un intérêt défensif.
Bien que M. Tchenguiz soit le propriétaire de Globe, les 424 pubs qu'il détient sont gérés par Scottish & Newcastle, dont la branche britannique appartient à Heineken.
L'essentiel de la bière consommée dans ces établissements est fournie par le biais de contrats annuels de 20 millions de livres avec le brasseur, selon les estimations d'analystes du secteur.
Avec la dégringolade des ventes de bière et la hausse du coût du crédit qui ont contraint Globe à dénoncer ses engagements sur un emprunt titrisé de 257 millions de livres, les détenteurs d'obligations peuvent désormais voter la désignation d'un administrateur judiciaire.
Mais Heineken disposera d'une minorité de blocage qui lui permettra de décider de l'identité de l'acheteur de Globe - et surtout de l'avenir de ses contrats de fourniture.
L'ampleur des bouleversements dans le secteur dépendra du nombre de chaînes de pubs ayant des créances titrisées qui rencontreront des difficultés semblables à celles de Globe.
Or, étant donné l'endettement colossal et insoutenable de certains géants comme Punch Taverns, les groupes brassicoles sont déjà en effervescence.
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